Discours prononce à l’occasion de Yom Ashoah le 24 Avril 2017 à la synagogue de Perpignan

Merci à vous qui avez fait le choix d’être là aujourd’hui, parmi nous, parce qu’il s’agit à vos yeux d’une obligation morale que d’honorer la mémoire des 6 millions de juifs victimes de la Shoah.
Merci aux témoins disparus qui furent présents hier et à ceux qui demain prendront la relève parce que la mémoire et l’humanité sont des notions qui font sens.
Mémoire pour les victimes des crimes racistes et antisémites. Mémoire pour les Justes qui sauvèrent des juifs au péril de leur vie et avec eux l’Humanité toute entière.
Justice pour les victimes en dépit du temps qui passe, de condamner chaque année l’abomination des bourreaux.
Justice pour les Justes dont le courage et l’exemplarité ne doivent jamais être oubliés.
Au travers de l’histoire souvent mouvementée et tragique du peuple juif, c’est l’histoire de l’humanité toute entière que l’on observe se débattre dans son conflit entre le Bien et le mal.
Un conflit qui nous engage tous -individus comme sociétés-, mais qui confère aux juifs le rôle de sentinelles de l’Histoire depuis que notre peuple existe, petite minorité d’entre les minorités au sein des nations du monde ayant réussi à traverser les siècles et les civilisations.
Le bien ne connait qu’une seule humanité celle de tous les hommes, riches ou pauvres, grands ou petits, avec ou sans couleurs, avec ou sans religion, avec ou sans talents.
Une humanité unique, mais plurielle de tous les visages d’hommes et de femmes qui en dessinent les contours infinis et qui, tous, ont un égal droit de vivre, une vie libre et digne.
En France, dans les années noires où Vichy collaborait avec le régime nazi, plus de 76 000 hommes, femmes et enfants juifs ont été arrêtés, déportés avant de disparaître en fumée sans prières ni sépultures-dans des camps de la mort où les tortionnaires n’avaient d’humains qu’un physique sans âme.
Il y a 70 ans, les 16 et 17 juillet 1942, se déroulait à Paris la grande rafle des Juifs, arrêtés par des policiers français chez eux en famille, ou en pleine rue avant d’être parqués sans eau ni soins au Vélodrome d’Hiver. 13 152 personnes, hommes, femmes et enfants, invalides ou mourants attendront là, sous la verrière, en pleine canicule pendant 4 jours avant de rejoindre des camps de transit d’où ils partiront pour un ultime voyage, destination Auschwitz.
« Zakhor,souviens toi ! » n’oubliez pas le drame de la Shoah, et souvenez-vous du judaïsme florissant que les nazis ont voulu détruire avec notre peuple.
Souvenez vous que ni la culture, ni la science, ni la laïcité, ni l’Europe n’ont été des Remparts contre le mal absolu.
Abandonnés, retranchés de l’humanité, ils furent en Europe 6 millions à être exterminés, simplement parce qu’ils étaient juifs. Des Juifs religieux ou laïcs, des juifs pratiquants ou qui n’avaient jamais mis les pieds dans une synagogue, des juifs croyants ou qui ne voulaient croire qu’en l’homme. Tous, dans la pluralité de l’identité juive, furent condamnés pour le même motif : juif.
C’est le judaïsme dans sa totalité, dans la singularité plurielle de tous ses visages et de tous ses noms que la barbarie nazie a voulu retrancher de l’humanité.
70 ans après la rafle du Vel’d’Hiv, la tuerie de Toulouse prouve qu’il existe des zones de non-pensée, de non partage, des refus de garder la mémoire, de regarder l’histoire en face et d’en tirer tous les enseignements pour mieux vivre ensemble et avancer en paix vers l’avenir.
70 ans après la rafle du Vel’d’hiv, c’est une nouvelle figure de la haine antisémite qui s’est érigée en juge vengeur et qui a pourchassé des petits enfants juifs à l’intérieur d’une école de Toulouse pour les exécuter d’une balle dans la tête. C’est toujours la même haine de l’Humanité qui se cache derrière la haine des juifs, quelle que soit l’idéologie meurtrière que celle-ci adopte pour passer à l’acte.
Sentinelles de l’Histoire, le sort des Juifs doit alerter les consciences et inspirer les décisionnaires pour que la haine, quelle qu’elle soit, soit prévenue, endiguée, désamorcée et condamnée sous toutes ses formes, sous tous ces masques dont certains empruntent faussement à l’économie, à la laïcité, au droit ou à la politique pour faire échec à la devise républicaine de Liberté, d’Égalité et de Fraternité.
Exemples de Justice, porteurs des plus hautes valeurs humaines incarnées au quotidien, la mémoire des Justes parmi les nations doit perpétuer l’idée que le courage, la générosité et l’altruisme sont plus que des idéaux, mais des actes concrets dont les conséquences forgent notre société et en dessinent les zones d’ombre et de lumière.
En réponse à nos synagogues qui brûlaient hier, nous appelons aujourd’hui à la préservation de nos lieux de cultes.
A l’étoile jaune imposée hier, nous opposons aujourd’hui la liberté de porter sans crainte la kippa.
En réponse aux charniers d’hier, nous demandons aujourd’hui la dignité pour nos morts.
A l’exclusion hier de nos enfants et de nos professeurs de toutes les écoles et universités interdits d’études-, nous sollicitons aujourd’hui des examens ouverts à tous, même aux plus pratiquants.
En réponse à nos rites d’abattage interdits hier, nous réclamons aujourd’hui le respect total de toutes nos règles alimentaires.
Ce que l’Europe a connu hier de destruction, de chambres à gaz et de négation, l’Europe d’aujourd’hui doit y répondre par la préservation et l’épanouissement du patrimoine juif et des communautés juives.
Le judaïsme d’hier est bien vivant. Il enseigne toujours l’importance de la mémoire : Zakhor !
Mais la mémoire seule ne suffit pas. Pour fonder l’avenir, elle doit s’articuler avec un autre commandement : « Chamor ! Protège, ou encore préserve !»
La mémoire est source de vie lorsqu’elle s’accompagne d’une démarche de préservation, et d’épanouissement pour l’avenir, -notre avenir à tous, juifs comme non-juifs-.
«Zahor et Chamor: souviens toi et protège!»¬Deux commandements indissociables, voilà ce que nous devons à 6 millions de disparus, aux Justes et à l’humanité toute entière, un devoir de mémoire autant qu’un devoir d’avenir.

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