L’ORIGINE ET LE SENS DES SACRIFICES

Lorsqu’Adam fut créé, en fin du sixième jour, la lumière originelle ne cessa pas. Le soleil se levait et se couchait, à partir du quatrième jour, et la lune apparaissait sans que leur lumière n’eut aucun effet dans le monde qui baignait dans la lumière constante, sept fois plus forte que celle du soleil.

Lorsque vint le chabbath, le soleil se coucha mais la lumière resta jusqu’au lendemain. Au coucher du soleil, le septième jour, la lumière originelle disparut elle aussi ; la lune ne luit pas et Adam et Hava restèrent plongés dans l’obscurité. Ils se lamentèrent et dirent que c’était à cause de leur faute qu’ils ne reverront plus la lumière. Toute la nuit durant, ils pleurèrent. Mais voici que l’aube pointa à l’horizon et le matin du huitième jour se leva : alors ils comprirent que c’était là le cycle du temps et que le jour succède à la nuit. Puis, Adam offrit le premier sacrifice de l’humanité en signe de gratitude à D. (Traité Avoda Zara 8A)

C’est ainsi que naquit l’idée du sacrifice qui n’était, depuis l’époque la plus reculée, qu’un moyen de remercier D. et de se rapprocher de Lui.

Dans le monde d’avant le péché d’Adam, dans la pureté de la Création, il n’existait pas de place pour le sacrifice, parce que la limpidité emplissait tous les niveaux des créatures ; chacune savait percevoir Le Créateur et assumer le rôle pour lequel elle a été créée. L’Homme n’avait alors nul besoin de rapprocher qui que ce fut vers D. tant l’état de conscience de D. était latent.

Après le malheureux péché originel, et c’est là le sens du récit ci-dessus, l’obscurité enveloppa le monde, masquant D. et éloignant les créatures de leur Créateur. Le monde devint alors disloqué, déchiré et il revint à Adam de rectifier les terribles conséquences de son acte, de réparer l’irréparable. Il offrit donc son premier sacrifice, dans l’esprit que nous disions, afin de réunifier les niveaux de la  Création dans une même élévation vers D.  

En effet, nos sages nous font remarquer qu’il existe quatre niveaux dans la Création : le monde minéral, au bas de l’échelle, créé en premier ; c’est la terre et la mer. Au-dessus fut ensuite créé le monde végétal. Puis vint le monde animal et enfin l’Homme, couronnement de la Création. L’idée du sacrifice -je préfère dire de l’offrande- est d’élever tous ces quatre niveaux vers Le Créateur, comme une sorte d’hommage rendu par Sa création. Or, seul l’homme doué d’intelligence et de la parole, est capable de présenter cette offrande devant D. accompagnée de pensées et de paroles. L’autel sur lequel il présentera son sacrifice est de terre ou de pierres ; le bois lui servira pour brûler son holocauste ; l’animal offert sera son sacrifice et lui-même sera celui qui présentera et offrira, sur son initiative propre, le sacrifice à D. Voici donc réunis les quatre niveaux de la Création dans l’acte sacrificiel. Il y a même une sorte d’inter dépendance qui lie chacun à l’autre, l’un sans l’autre ne pouvant accomplir de sacrifice. D. a voulu ce lien qui rattache ces niveaux hiérarchiques de la Création de façon quasiment vitale, afin d’y maintenir l’harmonie et l’équilibre. En effet, sans la terre sous ses pieds, l’air qu’il respire et l’eau qu’il boit, il ne peut assurer sa survie ne serait-ce qu’un instant. Sans la nourriture que lui procurent les végétaux et les animaux, sa survie serait également compromise de sorte que l’homme a donc été chargé de veiller sur la création de D. et sur à son équilibre.  

La racine du mot hébreu korbane est le verbe karèv. Le but du sacrifice est de rapprocher l’homme de son Créateur en associant l’ensemble de la Création dans cette démarche, en tant que sa finalité. Au commencement, selon le récit que nous donnions ci-dessus, c’est l’homme qui prend l’initiative d’offrir son sacrifice à D. Nous verrons cela également chez Caïn et Abel qui décidèrent d’offrir leurs hommages à D. en élevant vers Lui les meilleurs spécimen de leurs élevages respectifs : l’un dans le monde végétal et l’autre dans le monde animal.    

L’aube qui se lève, dans le récit ci-dessus, va symboliser l’espérance nouvelle après la nuit du péché, l’appel à réparer le tord gravissime causé à la Création par la faute d’Adam : tout n’est donc pas perdu. Bien que cette lumière du soleil qu’il voit grandir était infime à celle de la Création, Adam va comprendre qu’il lui fut désormais agir dans un monde nouveau, avec des données différentes et des critères nouveaux.

C’est son travail et ses initiatives propres qui permettront de rétablir ou d’aggraver les choses et sa relation avec le monde et avec D. dépendra très largement de ce qu’il fera.

Sur cette nouvelle route, le malheur du crime de Caïn constituera le premier obstacle qui sera malgré tout surmonté par la force de la Téchouvah.

Il est trois types de fautes inscrits dans la nature humaine : la jalousie, le désir et la recherche des honneurs. Le meurtre de Caïn illustre dramatiquement cet état de choses.

Or, les sacrifices dont la réglementation est donnée dans notre section de Vayikra, correspondent exactement à ces dérives et auront pour rôle de les maîtriser puis de les juguler.

Bien que Rambam considère les sacrifices comme un pis aller, une sorte de concession divine faite à la tendance de l’époque de sacrifier aux divinités païennes, le sacrifice tel que nous le présentons ici est solidement ancré dans la faute d’Adam que nous tentons de réparer, afin de retrouver cet état ante d’une perfection dans la relation du monde avec son Créateur. C’est Caïn, le fils, qui enseigna à Adam, le père, que le repentir existe et qu’il peut être très puissant pour rétablir cette relation. C’est ainsi que l’on doit comprendre la nécessité absolue d’accompagner le sacrifice d’intentions profondes, de sentiments élevés et de paroles saintes qui lui donnent tout son sens. Les prophètes ont suffisamment fustigé le peuple qui apportait au Temple des sacrifices sans le moindre sentiment de repentir, transformant leurs offrandes en viande à griller pour s’en rassasier : quelle valeur auraient de tels sacrifices de pauvres animaux innocents qui paieraient la cupidité et la vanité des hommes ? Quel importance donner au vidouï, la confession des fautes, obligatoire au moment du sacrifice expiatoire, si l’intention du pécheur n’est pas rééllement d’abandonner ses fautes, ou s’il recommence dans son égarement sitôt sorti du Temple ?

C’est ainsi que nous devons voir le culte sacrificiel dans la Torah et  son rétablissement dans le service du troisième Temple, dont nous prions pour la construction.