Discours prononçé par le Président HALIMI pour Yom Hashoah 2021

Voici un demi-siècle, le philosophe Vladimir Jankélévitch écrivait : « On entend dire parfois que les Déportés, les Résistants et les Juifs, commencent à fatiguer leurs contemporains en évoquant trop souvent la Shoah. Nos contemporains, paraît-il, en ont assez. Ils voudraient bien qu’on leur parlât d’autre chose… Les survivants du massacre sont sur ce point d’un autre avis. »

Et pour cause ! Pour les survivants et leurs familles, qui commémorent avec nous aujourd’hui toutes les victimes de la Shoah, la blessure est toujours présente. Aucune page n’est tournée. Les morts continuent de manquer à leurs familles, à leurs amis.

Ils nous manquent sans lassitude, parce qu’assassinés par des bourreaux qui ne se sont jamais lassés d’exterminer encore et encore plus de Juifs, arrachés à la vie parce que Juifs.

Primo Lévi écrivait « l’enfer, c’est là où il n’y a pas de pourquoi ».

Dans la Shoah, ces hommes, ces femmes et ces enfants sont tous partis sans réponse.

A ceux qui aujourd’hui se lassent et que la Mémoire exaspère, nous devons répondre sans relâche, que ce passé se conjugue pour toujours au présent. Que la force du souvenir ne peut connaître aucune faiblesse parce que la Mémoire de ce drame absolu est une nécessité.

Une nécessité d’autant plus grande que le temps passe … sans passer pour tout le monde !

Dans le silence du monde, l’antisémitisme destructeur des années 1930 et 1940 a connu plusieurs phases qui, déjà lassaient les contemporains, pressés de  passer à autre chose et de ne retenir que leurs préoccupations aveugles du moment. L’urgence était toujours ailleurs… Ailleurs que dans le statut discriminatoire des Juifs, leurs expropriations, leur déportation et leur extermination. Ailleurs, mais où donc ?

La disparition du très grand homme de Paix que fut Elie Wiesel nous appelle à assumer désormais le rôle de témoins des témoins qu’il nous exhortait à prendre résolument en charge. Son interrogation majeure : « Pourquoi le monde n’a-t-il rien appris ? » résonne encore plus tragiquement aujourd’hui en France, en Europe et en Israël alors que des Juifs meurent à nouveau d’être Juifs, condamnés par le djihadisme, ce nouveau fléau de notre  temps qui fait écho au nazisme d’hier. Aujourd’hui et demain, la plus extrême vigilance s’impose à nous, sans lassitude, sans distinction et sans exception : la barbarie est en pleine résurgence, en divers lieux de notre monde.

Avant que l’irréparable ne fût commis par le troisième Reich et ses complices, on comptait 9 millions de Juifs en Europe en 1933. Douze ans plus tard,(1945) il n’en restait plus que 3 millions. Soixante-seize mille Juifs de France, nos parents, nos frères, nos sœurs, nos enfants, furent envoyés à la mort dans les conditions les plus atroces, dépassant toute imagination.

Collectifs, ces crimes nécessitent une transmission collective de la Mémoire par des actes symboliques, comme celui d’aujourd’hui.

Individuel et secret, le courage héroïque des Justes parmi les Nations et celui des résistants doit être doublement salué et transmis collectivement. Pour que s’expriment notre pleine gratitude et notre reconnaissance envers ces héros de l’ombre qui, femmes et hommes confondus, furent animés par un idéal de Fraternité,  d’Égalité et de Liberté qui leur a permis de lutter avec leurs moyens, leur cœur et leur intelligence, contre l’innommable extermination. Pour que la jeunesse d’aujourd’hui et de demain n’oublie pas qu’ils incarnent ce que la France a de meilleur et ses véritables valeurs.

Dans le sillage de nos sages, nous croyons que l’humanité ne se retrouve sans défense que lorsqu’elle manque de mémoire.

Tous les jours, dans le monde présent et à venir, il nous appartient de vaincre la solitude par plus de solidarité, de conjuguer tous nos efforts pour continuer de faire briller la flamme du Judaïsme, celle-là même que les négateurs de la vie et du Judaïsme ont voulu détruire en réduisant en cendre des femmes, des hommes et des enfants porteurs d’une morale, d’une culture et d’une religion que nous avons tous désormais la responsabilité de garder vivantes  en leur nom.