LA RECOMMANDATION RELIGIEUSE DE RESIDER EN ISRAËL 

La lecture et l’étude de cette seule parachah de Masseé, qui est lue ce Chabbath en même temps que la précédente Mattoth, suffirait à rétablir la vérité ontologique et historique de notre droit sur notre terre d’Israël, ainsi que le tracé de ses frontières selon la Torah. Tout y est écrit ! Tout y est dit ! De plus, contre toute attente logique, cette affirmation semble plus que jamais être dite dans les temps bouleversés que nous vivons. 

Après la liste exhaustive des quarante deux étapes des pérégrinations de nos aïeux dans le désert, après leur sortie d’Egypte et à partir de Raamsès, nous en venons à l’établissement de nos frontières, tracées au cordeau du Nord au Sud et de la Mer au Jourdain, qui constitue la frontière orientale. La Torah ne laisse rien au hasard et les frontières d’Israël sont détaillées avec une précision rigoureuse, sans aucune velléité expansionniste, n’en déplaise à nos détracteurs. La Torah nous cite ces frontières en commençant par le Sud, le désert de Tsin qui jouxte le territoire d’Edom, dans la région de Béer Chéva actuel. C’est que le texte suit le même sens que la progression du peuple d’Israël dans leur route vers la terre promise : il était parti d’Egypte et avait du bifurquer vers le Sud, vers la Mer rouge au lieu de traverser directement le territoire philistin ( Chémoth XIII v.17). A ce sujet, l’histoire nous enseigne qu’Israël avait du également contourner par le Sud le territoire édomite, où la traversée lui avait été refusée ainsi que le royaume de Moab, plus à l’Est en Jordanie actuelle, ce qui rallongea notablement la route. Ceci pour dire qu’Israël n’avait pas conquis le moindre terrain, pas même en y passant, que D. ne lui avait pas réservé et attribué. De plus, entre les étapes de Rimon Pérets, la quinzième étape, et celle de Etsion Guéver qui n’est autre qu’Eilat, soit la trente et unième étape, le peuple avait du opérer une longue boucle vers le Nord jusqu’à Kadesh Barnéa, à la limite d’Edom, pour redescendre sur leurs pas vers le Sud, puis remonter vers le territoire de Moab, à l’Est de la Mer morte  et le contourner également. Israël se dirigea ensuite vers le territoire des Emoréens qu’il conquit en défaisant le roi Sihon. Il n’y eut donc aucune logique dans le tracé du parcours d’Israël dans le désert, si ce n’est l’application du plan divin qui possédait ses propres tenants et aboutissants. 

Entre ces deux chapitres, le texte s’appesantit particulièrement sur le commandement de prendre possession de la terre de Canaan (nom générique de la terre d’Israël à l’époque biblique, car plusieurs autres peuples y habitaient aussi), et de déposséder les peuples qui s’y trouvaient précédemment (XXXIII v.50-54). La Torah ajoute même une mise en garde ferme, en cas de non respect de cette consigne : « ces peuples deviendront comme des épines dans vos yeux et des ronces dans vos flancs ! » (v.55). La Volonté de D. est ici très clairement exprimée en matière de conquête de la terre, afin de permettre à Israël une installation et une résidence sur la terre promise sans danger de mauvais voisinage et d’assimilation aux cultes païens de ces nations. C’est ici que nous allons donc développer la recommandation de s’installer et d’habiter en Erets Israël et son analyse par nos commentateurs. 

Nahmanide considère que le verset : « Et vous prendrez possession de la terre et vous y résiderez, car c’est à vous que J’ai donné le pays pour en hériter » (XXXIII v.53) est la référence fondamentale au commandement positif de résider en terre d’Israël, et ce commandement revêt un caractère permanent c’est-à-dire qu’à toutes les époques, il faut combattre les peuples qui résident en Israël, quels qu’ils soient, pour les en évincer afin d’y habiter. Toutes les lois concernant l’obligation d’habiter en terre promise découlent de ce verset. 

Rashi, bien antérieur à Ramban, interprète différemment ce verset et enseigne que le commandement ne concerne que l’éviction de ces peuples indésirables ; quant à la résidence en Israël, elle n’est que promesse du verset, soumise à la condition de combattre et de déposséder ces peuples de la terre promise à Israël. C’est ainsi que le Or Hahayim explicite les positions de ces deux maîtres, appuyant toutefois la thèse de Rashi, en se fondant sur la formulation du verset lui-même (cf v. 57).  

Cependant, nous pouvons envisager une convergence d’opinions entre les deux exégètes si l’on observe certains commentaires de Rashi lui-même dans le Talmud, à propos de la nécessité permanente de renvoyer les peuples habitant en terre sainte afin d’y habiter (Guittine 8A ; Sanhédrine 2A). Il est intéressant de remarquer que l’histoire des deux grands maîtres médiévaux, chacun à son époque, reflète bien leurs thèses respectives, le premier ayant fui les persécutions espagnoles pour s’installer en Israël, après la Disputation de Barcelone en juillet 1263, le second ayant vécu en France durant les 1ères croisades, sans jamais la quitter. Peut-être devons-nous voir, tout au plus, dans les paroles de Rashi, une certaine prudence à l’égard des Gentils, précisément parce qu’il vivait au milieu d’eux à une époque très difficile. 

L’autre maître illustre, Rambam, considère que la résidence en Israël n’est pas un commandement positif et il ne la compte pas pas dans son Séfer hamitsvoth, ce qui suscite le grand étonnement du Ramban cité précédemment, qui objecte à partir de versets pourtant très implicites sur cette question, tel : «Je vous parlai mais vous n’écoutâtes point; et vous transgressâtes l’ordre de D…» lors de l’épisode malheureux des explorateurs (Dévarim I v.43), ce qui est plutôt le style utilisé pour la transgression d’un        

commandement positif, celui de rentrer en terre promise. Sans compter les nombreuses références talmudiques appuyant le fait que la conquête d’Israël est bien un commandement positif et non une simple promesse de D.  

A l’opposé, des avis contraires ont bien été donnés quant à la nécessité de considérer la conquête d’Israël, en-dehors de l’époque de Josué, comme un devoir religieux permanent et ils affirment que les évènements historiques bien postérieurs à cette époque ainsi que l’exil d’Israël, imposent d’attendre le signal qui devra venir d’En Haut pour retourner sur notre terre promise. Cette thèse qui a fait école depuis, est bien sûr celle des opposés au retour d’Israël sur sa terre, qu’elle juge prématuré, ainsi que la création de l’Etat d’Israël. Compte tenu du vaste sujet que voici, nous ne pourrons le développer dans ces colonnes. 

Nous devons ajouter ici, que Rambam a toutefois arrêté qu’en raison de la sainteté de la terre d’Israël, il y a lieu de l’investir, sans que cela soit un commandement. Il ajoute, dans son Code Michné Torah, que « la sanctification des mois ne peut être déclarée qu’en Israël et que l’absence d’habitants sur la terre sainte impliquerait la disparition de la nation d’Israël, à D. ne plaise..». Cette sainteté de la terre est intrinsèque et n’est pas liée au commandement d’y habiter ; elle en serait plutôt la cause, au point que même le chabbath, il serait possible de demander à un non-Juif de signer un acte d’acquisition d’un terrain ou d’une maison en Israël. C’est ainsi que le Hatam Sofer explique la position de Maïmonide (Yoré Déa chap.234).  

Notre prise de possession et notre résidence sur la terre d’Israël revêt un caractère religieux équivalent à toutes les autres obligations de la Torah, si ce n’est plus. Cette affirmation trouve très largement sa place, grâce à notre parachah, dans le contexte politique national et international dans lequel nous sommes placés aujourd’hui. Il est certaines vérités qu’il y a lieu de réaffirmer encore et toujours, haut et fort.