Discours prononcé par le Président HALIMI lors de la Commémoration de la Rafle du Vel d’Hiv le 21 Juillet 2024.

Il fait une chaleur étouffante à Paris en ce jeudi 16 juillet 1942, les bords de Seine sont irradiés d’un soleil éclatant, le bleu du ciel est une invitation au farniente.

On en oublierait presque les horreurs de la guerre s’il n’y avait cette immense cohorte d’autobus stationnés le long de la rue Nélaton qui, depuis l’aurore, déversent leurs « cargaisons » de Juifs raflés aux quatre coins de la capitale.

Des centaines de policiers français impavides et consciencieux ont encadré la rafle en respectant scrupuleusement les instructions du directeur de la police de Paris : « Les gardiens et inspecteurs, après avoir vérifié l’identité des Juifs qu’ils ont mission d’arrêter, n’ont pas à discuter avec eux […]. Ils n’ont pas à discuter non plus sur leur état de santé […]. Les opérations doivent être effectuées avec le maximum de rapidité, sans paroles inutiles et sans aucun commentaire ».

Direction le Vélodrome d’hiver, haut lieu des festivités sportives d’avant-guerre.

Mais en ce 16 juillet 42 la programmation a changé : le lieu de plaisirs se mue en lieu de honte, en antichambre de la mort. Sous une verrière immense accentuant l’effet de la canicule, le Vel’ d’Hiv’ va devenir un caravansérail infernal pour 13 152 personnes raflés sur le seul critère de leurs origines juives : 3118 hommes, 5919 femmes et 4115 enfants, foule composite où se mêlent valides et éclopés, silences de vieillards hébétés et cris d’enfants mal réveillés ; ces protagonistes d’une tragédie en 3 actes : Paris, Drancy, Auschwitz.

Par delà les milliers de victimes de la rafle, par delà le nombre et les statistiques, il y a d’abord et avant tout des vies individuelles, des noms ineffaçables : Jacob, Esther, Rachel, Simon…

L’homme ou la femme entraîné vers le supplice n’est rien d’autre que mon double aujourd’hui en 2015 ; l’enfant arraché à sa mère ressemble tellement à mon enfant, ce père est mon père, cette mère est ma mère, ce frère n’est-il pas le sosie de mon frère, c’est ma chair, mon sang, je leur fais face, je vois leurs yeux qui implorent. Ils n’appartiennent pas à l’histoire ancienne: je les reconnais, ils me sont si familiers, ce sont eux, aujourd’hui, dans un temps de paix et d’opulence, qu’il me faut imaginer arrachés sous mes yeux par ce policier qui ne fait que son boulot, impatient et autoritaire.

Honneur soit rendu aux participants à cette cérémonie qui, aujourd’hui encore, surmontent la tentation de la lassitude pour redonner chair et souffle de vie, l’espace d’un moment, aux milliers d’âmes envolées dans un autre monde forcément meilleur.

Honneur à la République française qui, depuis le discours historique du président Jacques Chirac en 1995, a eu le courage de faire face à son histoire, la grandeur de donner un nom à l’innommable. «  Ces heures noires souillent à jamais notre histoire et sont une injure à notre passé et à nos traditions. Oui, la folie criminelle de l’occupant a été secondée par des Français, par l’État français », dixit Jacques Chirac.

Honneur au président François Hollande qui lui aussi a su trouver les mots pour dire que « ce crime fut commis en France, par la France » et… ce crime « fut aussi un crime contre la France».

Honneur aux derniers témoins venus de cet autre monde, de cet autre temps pour attester que cela a bel et bien existé, faisant ainsi écho aux négationnistes.

Depuis l’assassinat d’Ilan Halimi en 2006, torturé et assassiné parce qu’il était juif, une nouvelle page s’est ouverte pour la communauté juive de France, marquée à nouveau par les drames et le sang. Les paroles de haine se sont libérées, sous couvert d’antisionisme, et les actes antisémites se sont multipliés. Chaque année un nouveau pic dépasse le précédent qui semblait pourtant déjà exceptionnel.

Ce que nous croyions définitivement révolu a de nouveau frappé : des juifs français ont été assassinés parce qu’ils étaient juifs.

Une différence essentielle avec le passé : ils ont été assassinés, sur le sol français, par des français qui haïssent la France…

Il y eut Toulouse en 2012, avec l’exécution de sang-froid de trois enfants juifs et d’un enseignant après l’assassinat de trois militaires français à Montauban. Puis ce terrible début d’année 2015 avec la tuerie de l’Hypercacher, à la suite de celle de Charlie Hebdo et du lâche assassinat de cette jeune policière.

A la barbarie nazie s’est substituée une nouvelle idéologie barbare dont la vocation exterminatrice ne laisse aujourd’hui plus aucun doute et qui a pour nom l’islamisme radical.

Seul signe d’espoir, les dirigeants de notre pays, comme tous ceux du monde civilisé, ont enfin pris conscience de la nécessité de combattre ce danger mortifère qui vise l’ensemble de nos démocraties.

Des mesures d’exception ont été prises pour assurer la sécurité des lieux de vie de la communauté juive, mesures qui ont permis d’apaiser quelque peu l’inquiétude lancinante de chaque père et mère de famille quant à l’avenir de leurs enfants.

Comment, le Peuple français, qui a su réagir de façon extraordinaire, pourrait désormais rester indifférent aux drames qui frappent les victimes d’attentats islamistes partout dans le monde

6 millions de juifs européens dont 76 000 juifs de France ont été déportés et assassinés durant la Shoah. Les Juifs sont présents en France et en Europe depuis 2.000 ans. Les Juifs ont toujours gardé foi en la France.

C’est la France, patrie des Droits de l’Homme, la France des Justes et des Résistants, que les « Juifs d’Orient » ont élue pour construire l’avenir de leurs enfants.

C’est en France que ceux des juifs français qui veulent continuer de faire vivre le Judaïsme à la française resteront. Aujourd’hui comme hier, nous continuerons à nous battre, à résister, contre tous les périls qui nous guettent et portent atteinte aux valeurs universelles de la République.