LA  VALEUR  DE  LA  TERRE D’ISRAEL  DEVANT  D.

Les temps très troublés que nous vivons, en ce moment, ont placé au premier plan l’importance et la valeur que doit revêtir la terre d’Israël à nos yeux. Qu’il s’agisse de nos frères citoyens de l’Etat d’Israël, ou des juifs à travers le monde, dans ce qui est encore la diaspora juive, la question de notre relation à la terre d’Israël est posée dans toute son acuité.

Or, s’il fallait un exemple pour illustrer l’importance et l’amour que l’on doit accorder à la terre d’Israël, ce serait assurément l’épisode des explorateurs qui nous le donnerait. Celui-ci constitue un tournant décisif dans notre histoire, au point que c’est le chapitre le plus commenté de toute la Torah.

Les questions sont innombrables certes, mais elles se résument en majorité à une seule, essentielle : pourquoi ? Pourquoi D. sévit-Il si durement contre Israël en les condamnant à mourir dans le désert, eux qu’Il avait fait sortir d’Egypte ? Pourquoi D. autorisa-t-Il d’envoyer les explorateurs, sachant qu’ils allaient se corrompre et revenir pour médire sur la terre promise ? Pourquoi Moché cautionna-t-il cette mission en triant les chefs des tribus, alors que dans le même temps il bénit Josué en le préservant de la mauvaise influence des explorateurs ?

La démarche d’Israël était légitime dans son principe : envoyer des espions en éclaireurs pour explorer une terre que l’on doit conquérir, relève du bon sens élémentaire. D. avait bien promis que la terre serait facilement conquise devant Israël et leurs ennemis défaits. Cependant, la tâche de la conquête elle-même, sa stratégie et son itinéraire incombait bien à Israël qui devait en prendre la responsabilité. De ce fait, les explorateurs devaient jouer un rôle majeur dans la stratégie de conquête que le peuple devait arrêter, sachant toutefois que D. leur accorderait systématiquement la victoire.

Ainsi, Israël jouerait le rôle d’acteur dévolu à l’homme dans le plan de D. tout en bénéficiant de Sa divine Providence et de Sa protection. Quoi de plus aisé, dès lors, d’agir selon la Volonté divine et forts de Sa bénédiction ? Là se situait le plan commun de D. et de Moché. Celui-ci n’avait pas besoin d’être rassuré sur la faisabilité de la conquête de Canaan, convaincu qu’il était que la promesse de D. était infaillible. Quel besoin pour lui de connaître la nature de la terre, la vigueur de ses habitants et la défense de ses forteresses, si ce n’est pour faciliter la tâche du peuple dans sa route vers la conquête du pays ? Puisqu’il fallait conquérir, ils conquerraient mais le plus facilement serait le mieux.

Ramban explique précisément la trahison des explorateurs en ce qu’ils dévièrent complètement de la mission que leur avait confiée Moché. Pour eux, il ne s’agissait même pas de savoir comment conquérir puisque la terre ne pouvait être conquise, purement et simplement. Alors qu’ils étaient chargés de rapporter les réponses aux questions posées ainsi que les éléments permettant de juger, ils se permirent d’exprimer leur propre point de vue, de conseiller le peuple, ou plutôt de le déconseiller. Ils rapportèrent en effet les fruits de la terre promise, preuves tangibles de sa richesse, mais ce n’était que pour mieux convaincre qu’ils étaient bien trop faibles face aux géants puissants qui l’habitaient. Le terme efèss qui signifie l’abstraction, indique clairement l’intention pernicieuse des explorateurs : il nous sera impossible de conquérir cette terre, malgré l’aide de D. voulaient-ils dire. D’ailleurs, la réaction de Kalev qui fit taire les persiffleurs le démontre très bien : Monter nous monterons et nous en hériterons, car nous le pouvons sûrement ! (XIII v. 30) Kalev contre-attaque sur le point précis de la faute des explorateurs : la capacité d’Israël d’aller de l’avant et de conquérir la terre promise, ce pour quoi ils étaient sortis d’Egypte.

Mais il y a plus grave, nous dit Ramban. C’est contre D. Lui-Même que les explorateurs s’emportent en niant Sa protection et en se rebellant contre Sa parole. Mettre en doute la nécessité de la conquête de Canaan, c’est remettre en cause la Volonté et la parole de D. concernant le destin d’Israël, c’est s’opposer au plan divin dans la marche de son histoire. Voilà pourquoi les deux explorateurs restés fidèles mirent en garde le peuple : ” Seulement ne vous rebellez pas contre D.!” (XIV v.9) Il ne faut pas craindre la puissance des ennemis, car l’issue du combat appartient à D. Seul Il décide si nous pouvons rentrer et hériter de la terre qu’Il a promise à nos ancêtres, sans tenir compte aucunement de la force des habitants du pays. On a l’impression d’entendre un officier supérieur de Tsahal aujourd’hui, à la veille d’une bataille décisive contre l’ennemi.

La première question que nous posions portait sur la sévérité du châtiment divin : le pêché du veau d’or n’était-il pas plus grave ? La réponse risque de surprendre : D. pardonne lorsque l’offense est dirigée contre Lui, pas lorsque c’est la terre d’Israël qui est attaquée et dénigrée. La médisance contre la terre promise est bien pire que toute trahison contre D. Pourquoi ? Cela tient à la cohérence du parcours de l’Histoire telle que D. l’a pensée et mise en œuvre. Pire! L’attitude des explorateurs a voulu nier D. Qui intervient dans l’Histoire et Qui la guide. Trahir D. ne veut pas dire Le nier ; contrecarrer Son plan élaboré depuis la Création quant à Israël, reviendrait à vouloir évincer D. de l’Histoire pour se mettre à Sa place. Quelle prétention !

La génération capable de céder à une telle philosophie ne mérite pas de conquérir la terre que D. a promise. Elle errera et finira dans le désert sans parvenir au bout du chemin, sans parvenir à sortir véritablement d’Egypte.

C’est ce qui arrivera…