La parachah Behoukotay décrit dans le détail la notion de rétribution et de châtiment, notion fondamentale dans la pensée juive. Elle pose ainsi, sous forme d’équation : si l’on accomplit les commandements divins et que l’on marche dans les voies de D. alors la bénédiction et la prospérité nous sont accordées ; sinon, c’est le contraire qui surviendra. Cette alternative constitue la pierre angulaire de la Tradition, qui veut lier les mitsvoth à leur rétribution et leur transgression au châtiment qui en découlera. Le premier exemple à donner, est précisément la parachah précédente, Behar, que l’on lit habituellement en même temps, sauf cette année. La bénédiction de nos récoltes que D. nous promet, en accordant l’abondance des récoltes de la sixième année qui devra nourrir les trois années suivantes (XXV v.20), est liée au bon accomplissement de la Volonté de D. et de Ses commandements (v.18). C’est ce qu’explique Don Ytshak Abravanel, en insistant sur l’aspect “économique” de la chemitah qui assurera la subsistance du peuple, même si le travail agricole n’est pas assure.
Le midrash Yalkout Chimoni donne cette image significative: le bâton et le pain ont été donnes du ciel, attaches l’un a l’autre. Le message est très clair : si vous observez la Torah, vous aurez le pain ; sinon, c’est le bâton que vous subirez. Deux remarques s’imposent ici : comment admettre que la Torah introduit ou induit une forme d’intérêt que l’on aurait à accomplir les mitsvoth, alors que par ailleurs, dans “Les Chapitres des Peres” il est clairement enseigne que l’on ne doit en aucune manière “servir le Maitre dans l’intention de recevoir une récompense” ? De plus, il est étonnant que les récompenses dont il est question ici, soient strictement matérielles et ne concernent finalement que ce monde-ci.
Nos grands penseurs se sont penches sur cette question et, Rambam notamment dans son introduction au traite Avoth, répond qu’il s’agit non pas de récompenses absolues, qui ne sont réservées que dans le monde a venir, mais que l’on doit les considérer comme des moyens permettant d’accomplir la Torah dans des conditions optimales, ici-bas, puisque c’est pour ici-bas qu’elle a été donnée. Ce n’est pas la miche de pain qui est essentielle, mais elle permet de subsister pour pouvoir observer la Torah ; il en est de même pour le bâton qui ne sert qu’à agiter la conscience afin de ne pas se détourner de notre véritable objectif sur terre.
Quant a notre première observation, il est aise d’y répondre en affirmant que l’on ne doit pas dénaturer la bonne foi dans l’accomplissement des mitsvoth en ayant a l’esprit le gain ou l’intérêt que l’on en retirerait. Même si l’on sait que l’un des principes de la foi est que le châtiment et la rétribution existent, l’on ne doit pas pour autant agir en fonction de ce que les mitsvoth peuvent “rapporter” de bénéfique. Le désintéressement en ce domaine doit dicter notre conduite.
Penchons-nous à présent sur le contenu de ces bénédictions généreuses que nous promet la Torah. Elles concernent, pour la plupart, l’abondance des revenus de la terre et la satiété du peuple d’Israël. Celles-ci ne peuvent être assurées que par des pluies bienfaisantes abondantes qui fertiliseront la terre. Elles permettront ainsi l’abondance des récoltes, ce qui entrainera l’enrichissement du peuple. Ramban considère cette bénédiction matérielle, comme fondamentale, parce qu’elle assure la pérennité du peuple sur sa terre, qui devient ainsi sa terra amati. Le Or haHayim explique que ces pluies et ces abondances deviendront, de droit, celles d’Israël, car elles auront été procurées grâce à ses mérites. L’abondance matérielle entraine la tranquillité d’esprit quant au souci de la subsistance, et permet donc la disponibilité de l’esprit pour l’étude et l’accomplissement de la Torah. Cela entrainera, a son tour, la satiété et l’abondance des récoltes grâce aux mérites accumules par Israël : le système ne devrait donc connaitre aucune faille, tant que les deux paramètres fonctionnent.
La conséquence d’une telle bénédiction, est la paix et la sécurité : ” Je ferai régner la paix dans le pays, et vous vous coucherez sans que nul ne vienne effrayer ” ( XXVI v.6). Le Or haHayim vient encore expliquer que l’abondance matérielle, la bonne répartition des richesses, l’égalité entre les classes, l’absence de convoitise et de jalousie due au fait que tous possèdent et que nul n’est prive de bien, viennent instaurer un climat de paix et de fraternité. Une telle idée est également développée par un maitre plus récent, le Hatam Sofer qui voit dans cette paix, la conséquence de la satisfaction et du contentement de chacun de ce qu’il possède.
Mais, comme nous l’expliquons ci-dessus, la cause est également l’effet. Cette veritable félicite qu’est la paix pour Israël, est également la condition indispensable pour pouvoir profiter de ces bénédictions et les générer à nouveau. La paix, nous enseigne une fameuse Michna, est tel un ustensile qui contient la bénédiction ; sans elle, point de bénédiction. Serait-il possible de contenir un liquide dans un contenant brise ? La véritable paix, celle intérieure dans le peuple, comme extérieure avec ses ennemis, est une condition sine qua non pour tirer le meilleur parti de la bénédiction divine. Pourrions-nous manger tranquillement notre pain, si des ennemis menacent sans cesse notre sécurité, notre quotidien et celui de nos enfants ? A quoi servirait la richesse si l’angoisse du lendemain taraude l’esprit du peuple et l’empêche de se reposer dans la quiétude ? C’est la raison pour laquelle la Torah consacre plusieurs versets a cette paix indispensable, elle qui donne la raison d’être a toutes les autres bénédictions.
Il est intéressant d’ajouter que cette paix véritable est décrite dans la prophétie pleine d’espoir d’Isaïe, dans sa description extraordinaire de la venue messianique qui bouleversera les forces en présence ainsi que les comportements jusque la admis. Le loup et l’agneau cohabiteront, dit-il. Maimonide explique qu’il s’agit de métaphores et non de la stricte vérité physique, car rien ne changera fondamentalement dans le fonctionnement du monde, si ce n’est dans les mentalités qui réagiront avec d’autres critères et d’autres principes : ceux de la connaissance de D. et de La Verite absolue qui submergera le monde et emplira tous les esprits.
C’est cette espérance que nous entretenons depuis des millénaires, de voir enfin la paix régner sur terre et dans notre pays, dans cette époque bénie ou les ennemis d’hier sauront cohabiter intelligemment et pacifiquement. Comme explique plus haut, ce rêve ne relève pas seulement de notre imagination : il peut devenir réalité grâce a nos actes et a notre comportement digne d’Israël et de la Torah. Il ne dépend que de nous d’atteindre ce but ultime de notre histoire millénaire.