Leur supplice commença dès leur arrestation avec les brimades, les tortures, l’isolement, les otages fusillés au petit matin.
Puis ce fut pour la plupart d’entre eux le « grand voyage » à cent, cent cinquante dans des wagons à bestiaux, au cours duquel, jour après jour, la soif, l’asphyxie et la folie faisaient leur œuvre.
L’arrivée au camp avec les hurlements des S.S., le rire hystérique de leurs femmes à la vue des êtres nus qui ne ressemblaient déjà plus à des hommes, les aboiements de leurs chiens, les appels qui se prolongeaient pendant des heures dans la nuit, sous les projecteurs, côtoyant des morts, la pluie , la neige, le brouillard, le froid, la faim, la promiscuité, la maladie qui laissait peu d’espoir de survie ; les charrettes de cadavres ramassés chaque matin près des blocks, l’odeur de chair brûlée qui flottait en permanence.
Ce fut tout cela la SHOAH mais ce fut aussi dans l’adversité, l’épanouissement des meilleures valeurs humaines.
Si l’effroyable tragédie engendrée par le nazisme et le fascisme démontre que l’homme peut retomber au niveau de la bête, elle prouve aussi qu’il ne faut pas désespérer de lui ; on ne détruit pas la force de l’esprit.
Aux prises avec la démoniaque entreprise de déshumanisation à laquelle ils étaient livrés, nos frères n’ont jamais cessé de lutter pour leur vie et surtout pour leur dignité.
Derrière les barbelés la résistance continuait. D’abord pour préserver l’homme.
Aider un être à ne pas subir la dégradation voulue par les S.S, lui donner l’espérance, c’était déjà une victoire remportée sur l’ennemi.
Venus des horizons les plus divers, dépouillés de tous les artifices de la vie, rapprochés par la souffrance et le combat, ils se sentaient unis et leur solidarité était souvent la seule arme qu’ils pouvaient opposer aux S.S., le seul espoir de sortir vivants de l’épreuve.
Du plus profond de leur enfer, ils rêvaient d’un monde pacifique, de justice et de fraternité.
La charte de l’O.N.U est le fruit de leur combat et le reflet de leurs espoirs.
Mais les promesses qu’elle contient sont encore loin d’être réalités pour les peuples qui continuent à souffrir de la guerre, de la discrimination raciale, sociale, religieuse ou politique.
Certains diront peut être : à quoi bon, 70 ans après revenir sur le passé ? Ne vaut il pas mieux oublier ?
Pour les rescapés dont les nuits sont encore hantées par le souvenir des atrocités, occulter serait sans doute une sorte de libération, de thérapie.
Mais ils ne le peuvent pas et, le pourraient ils, qu’ils n’en auraient pas le droit.
Ils savent que le nazisme n’est pas mort, que le crime peut encore se produire.
Oublier, ce serait faillir à leur devoir envers l’humanité toute entière.
Ce serait trahir le serment qu’ils ont fait au jour de leur libération : PLUS JAMAIS CA car « Un peuple qui oublie son histoire est condamné à la revivre »
Daniel HALIMI